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La Loire : la main de l'Homme derrière une vitrine naturelle

La richesse et la diversité des écosystèmes ligériens peuvent au premier abord faire apparaître le fleuve l’un des bastions de la nature sauvage en France. Or le terme sauvage ne suppose aucune intervention humaine sur le fleuve. Peut-on, en réalité, considérer comme réellement immaculé un espace où l’Homme est - sous différents degrés - omniprésent ?

Colonisation et remodelage des berges, pompages et rétention des eaux, implantation de plantes, tentatives de contrôle des crues, ouvrages d’arts, pêche, … Les interventions humaines dans le fleuve sont innombrables et portent sur la Loire des conséquences tant profondes que multiples.  Dans ces conditions, il demeure difficile de parler de fleuve sauvage. Il demeure plus adéquat de considérer la Loire comme un fleuve vivant dans un espace construit, du fait de la cohabitation entre la riche biodiversité ligérienne et les ingérences humaines. De nombreuses voix, de milieux tant associatifs que publics, s’efforcent de maintenir l’équilibre entre les écosystèmes naturels et l’anthropisation rampante des espaces fluviaux. C’est cette démarche qui permet à la Loire de dégager une image naturelle, là où d’autres fleuves ont capitulés devant les assauts du béton.

Si aujourd’hui il est difficile de parler de “fleuve sauvage”, c’est en raison de son rôle dans la vie économique de la France, de l'époque Gallo-Romaine jusqu’au début du XXème. En effet, pendant très longtemps, la Loire a été une des plus grandes voies de communication française, aussi bien par sa longueur et que par l’importance de son trafic. Par sa position géographique centrale, ce fleuve constitua l'axe privilégié pour les communications entre les mondes méditerranéen et atlantique. Le roi François II l’a très bien compris en 1559 dans un de ses édits : ”Le principal commerce de notre royaume se fait sur la dite rivière de Loire”.

L'apogée du trafic ligérien se situe au XVIIIème siècle, où 4000 à 5000 bateaux sillonnent annuellement mle fleuve et rythment ainsi la vie économique des cités entre Roanne et Nantes. La Loire demeure néanmoins un fleuve morphologiquement changeant, avec de nombreux bancs de sables, rendant la navigation difficile. Tout cela nécessite la construction d'aménagements divers : on voit apparaître des chemins de halage, puis des canaux tout au long du lit majeur, comme le montrent les images ci-dessous.

Gravure du XIXème siècle représentant l'activité sur la Loire à Orléans. © Dominique Le Tirant, coll. privée
Gravure du XIXème siècle représentant l'activité sur la Loire à Orléans. © Dominique Le Tirant, coll. privée
Gravure de Jean-Jacques Delusse (1758-1833) : Vue du château de la citadelle de Saumur et Quai Fenet (titre inscrit). © Musée de la marine de Loire, Châteauneuf-sur-Loire. Propriété de la commune.
Gravure de Jean-Jacques Delusse (1758-1833) : Vue du château de la citadelle de Saumur et Quai Fenet (titre inscrit). © Musée de la marine de Loire, Châteauneuf-sur-Loire. Propriété de la commune.
Gravure : Tours et chalands avec leurs piautres au XVIIIème siècle sur la Loire à Orléans : Col. particulière
Gravure : Tours et chalands avec leurs piautres au XVIIIème siècle sur la Loire à Orléans : Col. particulière

La Corporation des Mariniers de la Loire, apparue dès l’époque Gallo-romaine, suivie de la Communauté des Marchands à partir du XIVème siècle, s’occupent de l’entretien et de l'aménagement des berges ligériennes. Ces associations prouvent que l’Homme a cherché,  plusieurs siècles durant, à domestiquer le fleuve.

Si la navigation à titre commercial est aujourd’hui complètement disparue, c’est en raison de l'arrivée du Chemin de fer au milieu du XIXème siècle et celle de l'automobile au début du XXème siècle. Ces innovations techniques provoquent le déclin inexorable et rapide de la Marine de Loire, déplaçant les flux marchands vers l'intérieur des terres.

Comme expliqué dans la partie 2, à partir des années 1950, 80% des fleuves européens s'équipent de barrages. La Loire devient alors le fer de lance de la lutte contre cette anthropisation intensive des cours d’eau. Tous les projets d’ouvrages hydrauliques sont ainsi abandonnés, et ceux déjà présents sont même détruits.

La Loire devient alors un symbole, pour la population française et les observateurs étrangers, de la victoire des associations écologiques pour la préservation de l’environnement. L’opinion publique évolue et prend conscience de l’importance de conserver et mettre en valeur le formidable héritage paysager qu’offre la Loire.

Se lance alors une reconquête des berges par la nature, assimilée à tort à une victoire du “sauvage”. En réalité, cette renaturation tient plus d'un changement des activités humaines, que d'un phénomène naturel. Les organisations de loisirs jouent sur ce cadre naturel offert par les abords de la Loire pour promouvoir le fleuve. Leur discours se heurte toutefois - comme le montrent les entretiens réalisés - aux propos des professionnels. Ces derniers ne sont pas dûpes sur l'aspect esthétisé de la Loire, même si celle-ci attire des millions de touristes chaque année.

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