logo hpre

Cabanisation

La cabanisation consiste en : “la construction, sans autorisation d’urbanisme, d’un habitat permanent ou provisoire, et par conséquent illégal" (Ministère du Logement, 2016)

Il existe plusieurs types de cabanisation, allant de la cabane à la villa, en passant par le mobile-home. Contrairement à ce qu’on peut penser, la cabanisation n’inclut pas uniquement des habitats dits précaires.

L’histoire du phénomène est intéressante et complexe. Initialement certaines cabanes sont autorisées à la construction, par des dérogations exceptionnelles. Elles ont vocation à servir d’abris de pêche ou de jardinage, par exemple. Puis peu à peu s’entame une transition de la fonction d’abri vers celle de résidence.

En effet, à partir des années 1930 et l’apparition des congés payés, les cabanes deviennent des lieux de séjour touristique pour la population locale. Les caravanes et mobile-homes prennent par la suite le relai pour une population régionale. Cette utilisation de résidence touristique dérive peu à peu vers une utilisation de résidence permanente, à partir des années 1990. Aujourd’hui, 30% des cabanes font office de résidence principale.

Les populations y sont diverses. Elles comprennent des anciens sans domicile fixe, des “nouveaux pauvres” qui ont perdu leur emploi ou ont vécu une crise familiale les entraînant dans la solitude. On trouve également des gens du voyage en cours de sédentarisation, des familles aux revenus trop modestes pour pouvoir accéder au marché du logement locatif ou social, ainsi que quelques marginaux souhaitant mener une vie en dehors de la société.

La cabanisation entraîne différents enjeux :

-sociaux : financiers, hygiène, salubrité

-sécurité : risques naturels (incendie/inondation), éloignement des secours

-environnementaux et économiques : dégradation du paysage, de l’image de la ville, déversement des déchets ou eaux usées dans le milieu naturel environnant

Les politiques publiques tentent donc d’endiguer le phénomène. Mais derrière l’ambition affichée de lutter contre des constructions illégales, l’objectif peut également être de reconquérir des territoires de plus en plus stratégiques, le long des cours d’eau par exemple. Un exemple de ce type de politique mené sur un territoire est celui du Déversoir de la Bouillie à Blois. Le cas d'étude est à découvrir en cliquant ci-dessous.

▼ Cas d'étude "Déversoir de la Bouillie à Blois"

1. UN TERRITOIRE INDISPENSABLE A LA VILLE

Le quartier de la bouillie est situé au Sud de la ville de Blois, sur la rive gauche de la Loire. Il s’agit en réalité du territoire du déversoir de la Bouillie qui, à la base, n’était qu’un déchargeoir pour les levées de la ville. Il avait été mis en place afin de gérer les crues de retours fréquents.

Après les trois importantes inondations dues aux crues exceptionnelles de la Loire de 1846, 1856 et 1866 ce déchargeoir a été modifié sous les instructions de l'ingénieur Comoy. Ces modifications sont alors apparues afin d'éviter les ruptures de digues entraînant d'importants dégâts, notamment pour le quartier de Vienne.

Aujourd’hui, le déversoir de la bouillie est d'une longueur de 570 mètres en amont de l'agglomération de Blois et a pour objectif de protéger la ville et de dériver une partie du débit de la crue vers le val dès que le niveau de la Loire dépasse un seuil prédéfini auparavant. L'inondation qui aurait touché la ville et causé d’innombrables dégâts (environ 5000 personnes, le pont Jacques Gabriel qui relie les deux rives de la ville, de nombreux bâtiments…) est alors reconduite vers un lieu prédéterminé (quartier de la Bouillie) grâce au déversoir, les dégâts sont donc localisés et moindre.

Si l’on empêchait le déversoir de la Bouillie de fonctionner pour une crue de période de retour de 70 ans, un débit supplémentaire de 300 m3/s s’écoulerait dans la Loire au droit de Blois, ce qui représenterait une surélévation de la ligne d’eau de 30 cm. La ligne d’eau dans la traversée de la ville de Blois ne serait alors que 20 cm en dessous de la ligne d’eau de la crue centennale avec fonctionnement du déversoir de la Bouillie. C'est donc pour cela qu’on le maintien en cet état de fonctionnement.

 Déversoir bouillie

2. DES ENJEUX ET UN RISQUE PLUS ELEVE QU’AUPARAVANT

Pendant plusieurs siècles, l’aval de ce déversoir a demeuré sans construction du fait d'une série d’arrêtés successifs limitant ou interdisant les constructions dans cet espace. Même si l’aléa était fort, le territoire de la bouillie ne constituait pas un enjeu important, c’est pourquoi le risque y était faible.

Les arrêtés préfectoraux interdisant la construction sur ce terrain en lien avec le PPRI furent attaqués en justice par une propriétaire. Les décisions du Conseil de Préfecture du Loir-et-Cher, en 1878, puis du Conseil d’État, en 1879, ont donné raison à la plaignante, ouvrant ainsi la voie à la libre utilisation des sols du déversoir de la Bouillie. Ainsi, après la crue de 1907, et surtout à partir de 1945, des constructions ont peu à peu été réalisées dans ce déversoir. L’urbanisation y a été légale jusqu'en 1968 avec la délivrance de permis de construire. Après cette date, du fait de l’adoption d’un Plan de Surfaces Submersibles visant précisément à réglementer l’occupation des sols dans les espaces à risque, plus aucune construction ne reçut de permis de construire. L’urbanisation s’y est néanmoins poursuivie illégalement, avec l’apparition de certaines cabanes de jardins ouvriers présentes sur le site se transformant progressivement en résidences secondaires voire même principales sans aucune autorisation.

Or, lors de grandes crues de la Loire, le déversoir se met en marche et en cas de fonctionnement de celui-ci, le trop plein de crue peut alors inonder le quartier. Les enjeux humains sont donc devenus importants ainsi que les enjeux économiques avec l’apparition de quelques entreprises.

Une enquête réalisée en 2000 par Agglopolys a mis en évidence que 160 constructions étaient édifiées au point de passage obligé des flux provenant du déversoir de la Bouillie et celui de Montlivault. Ces bâtiments étaient essentiellement des habitations individuelles isolées de plein pied. Plus de 450 personnes y résidaient, majoritairement âgées (67% ont plus 55 ans), économiquement fragiles et totalement incrédules face aux risques. A ces habitants permanents s'ajoutent une population nomade dont la sédentarisation était en train de s’accentuer. Ces populations sont relativement attachées à leurs quartiers car ils y vivent depuis un certain temps, 80 % d’entre eux habitent ici depuis plus de 10 ans.

3. UN PROJET POUR REFERMER LA BOUCLE

A. DÉSURBANISATION

Pour refaire fonctionner le déversoir alors qu'il était urbanisé, il fallait agir en fonction des lois concernant les inondations (PPRI). Alors que certaines collectivités tentent de réduire l'aléa par la construction d'ouvrages, d'autres réduisent la vulnérabilité par la délocalisation des enjeux. La ville de Blois a donc choisi de supprimer toutes les constructions qui occupaient le déversoir de la bouillie. Deux solutions se sont offertes à la collectivité. Premièrement, choisir l'expropriation avec seulement 5 ans pour racheter tous les terrains (acquérir 385 propriétés et raser 135 maisons) ou deuxièmement choisir de définir cette zone comme une zone d'aménagement différé (ZAD) et se laisser alors 14 ans pour tout racheter et raser. C’est la mise en place d’une ZAD qui a été choisie comme outil de désurbanisation puis appliquée, permettant ainsi un temps plus important aux habitants afin de déménager.

D’importants débats se font ressentir autour de ce sujet, certains dénoncent que les politiques publiques font ceci pour leurs intérêts personnels et non pour la protection de la population. Ces dénonciations reflètent les tensions pouvant exister entre les habitants et les élus, les risques pouvant fournir aux dirigeants des villes des « alibis pour développer d’opportunes stratégies territoriales ». Mais sur ce quartier de la bouillie, l’enjeu est bel est bien réel puisque le risque d’inondation est de plus en plus considéré dans l’aménagement du territoire depuis les récentes catastrophes naturelles (tempête Xynthia, inondations dans le sud de la France en 2015,…)

Agglopolys a été chargée d'acquérir et de détruire les immeubles, locaux d'activités et équipements sportifs implantés dans le chenal de décharge de la Bouillie sur les communes de Blois, Saint-Gervais-La-Forêt et Vineuil au fur et à mesure des ventes des terrains par les propriétaires. Fin 2014, 83% des terrains étaient en la possession de la communauté de communes. (Enquête Agglopolys).

L'opération ZAD décrit un cycle adaptatif caractérisant la résilience du système face au risque d'inondation. Le modèle du cycle adaptatif identifie quatre phases par lesquelles transitent une société et son territoire pour passer d'un état d'équilibre à un autre.

Déversoir bouillie deux

Pour Jacqueline Gourault, la présidente de la communauté d'agglomération de Blois et maire de La Chaussée Saint-Victor, cette opération représente un enjeu de sécurité civile pour protéger les populations des caprices du fleuve.

Pour le citoyen “moyen”, vivant dans ce que l’on peut qualifier d’habitat majoritaire (appartement ou maison), la cabanisation est perçue comme une situation subie, découlant d’une incapacité financière à occuper un logement permanent (au sens du chapitre 2 du présent Webdoc). Ainsi la cabane ne saurait être vue comme un habitat désiré de ceux qui l’habitent, encore moins désirable pour ceux qui la voit de l’extérieur.

Si cette idée reflète une certaine réalité, on ne doit pas non plus nier l’existence de personnes pour qui l’installation en cabane est une démarche volontaire. La construction d’un habitat sur un terrain privé, s’il est en zone inconstructible, sera illégale et pourra de fait être considéré comme cabane au regard de la définition donnée ci-dessus. Ce peut être le cas sur des terrains soumis à un fort risque inondation. Vivre dans le lit d’un fleuve tel que la Loire c’est s’exposer à un risque fort de voir tôt ou tard son habitat submergé par la montée des eaux. Si pour beaucoup cette situation est réprouvée, pour d’autre elle constitue un cadre de vie avec ses inconvénients, mais aussi ses atouts. L'annonce immobilière ci-dessous est un simple trait d'humour censé nous faire réfléchir sur le fait que la cabane constitue pour certain une résidence principale, dans un cadre potentiellement agréable (en l'occurrence les Îles Noires à La Riche (37)), et qu'elle peut avoir une certaine valeur aux yeux de ceux qui 'habitent.

55500

prix

Charmant 1 pièce les pieds dans l’eau. Construction en ossature bois et bardage tôle, de plain-pied, ouvrant sur un terrain d’une superficie de 110m2. Par le fond du jardin accédez directement à un embarcadère privatif donnant sur la Loire.
Le logement est situé dans un quartier  paisible, protégé de l’agitation urbaine par le fleuve d’une part et une butte surmontée d’un muret d’autre part.

Le logement a connu des extensions successives, lui conférant cette  architecture atypique. Tout comme les constructions alentours d’ailleurs, ce qui fait l’identité du quartier...

 

Département aménagement & environnement - Promo 5e année 2017-2018 |  Creative commons |  logo univ   PolytechTours DA